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Le blog de Dominique Droin

L’Affaire Madame

9 Avril 2024 , Rédigé par droin

L’Affaire Madame

Ou la stratégie du en même temps

Lettre ouverte à Emmanuelle Anizon

Nous nous sommes rencontrés, avec Emmanuelle Anizon, à plusieurs reprises et nous avons longuement échangé au téléphone alors qu’elle travaillait sur son Affaire Madame. Ce fut chaque fois un plaisir. Quand le livre est sorti, elle a eu la gentillesse de m’en envoyer un exemplaire, ce dont je la remercie sincèrement. Elle m’a demandé de lui faire part de mon avis en retour. Le voici :

Chère Emmanuelle,

 

Je viens de terminer votre Affaire Madame et, comme vous l’avez souhaité, je vous dis ce que j’en pense.

 

Le style et le sens du récit sont bons. Le livre se lit avec facilité et plaisir. Quant au contenu, avant de l’aborder, je tiens à apporter quelques précisions me concernant.

  1. Vous écrivez, à mon sujet, « fugacement villiériste ». Je le suis toujours, comme je suis persuadé que s’il avait remporté la présidence en 2007, la France ne serait pas où elle en est aujourd’hui.
  2. Vous écrivez que j’ai été « colistier sur une liste citoyenne aux municipales ». J’en ai plutôt conduit deux,à Rochefort, en 2014 et 2020.
  3. Vous caricaturez mes propos au sujet du métissage des populations, alors que je vous faisais part du principe de Coudenhove-Kalergi, qui sert aujourd’hui de référence aux mondialistes.

 

Ceci n’est rien. Parlons du sujet principal, parlons de « Madame ». Parlons de la façon dont vous lui faites son « affaire ». Elle est curieuse.

Elle est curieuse en ce sens que la forme et le fond se contredisent. Comme si la forme était pour l’Élysée et le fond pour notre belle complosphère. À condition bien sûr de lire entre les lignes, sans tenir compte de votre point-de-vue, que vous mettez souvent en avant. Autrement dit, le fort de votre œuvre réside principalement dans les faits que vous y révélez et pas dans la façon dont vous les traitez, car elle peut parfois être désagréable.

Par exemple, vous faites souvent passer Natacha pour quelque peu perchée, en confessant, en même temps, qu’elle a soulevé quelque chose d’énorme.

On retrouve encore cette propension lorsque vous évoquez les services de Renseignements de l’État. Vous trouvez normal qu’ils enquêtent sur les conspirateurs que nous sommes – c’est le monde à l’envers : les conspirationnistes sont devenus conspirateurs –, si donc vous convenez qu’il est normal que l’État enquête sur nous, vous traitez le sujet avec cette implacable stratégie du en même temps. Nous étions ensemble, vous, Natacha et moi, lorsqu’une femme, surgie de nulle-part, laissant traîner une oreille à nos côtés, s’est trouvée fort embarrassée lorsque nous la découvrîmes. Vous ne cachez pas les faits ; vous les traitez avec justesse des pages 90 à 93 : « Je me lève, écrivez-vous. (Je) la suis, contourne le mur. Je la retrouve, plantée debout, juste derrière. Elle bredouille je ne sais quoi en me voyant, fait volte-face, décampe par la porte d’entrée de l’hôtel ». Très bien ! Mais pourquoi rajouter : « J’avoue, j’ai ri de ce cache-cache absurde, ambiance OSS 117 ». Les faits sont bien là, mais il vous faut vous mettre en scène pour ne pas que l’on vous taxe, vous aussi, de complotisme ou de « défiance », selon vos termes.

Idem, pages 103 à 105. Vous y évoquez les Bohemians, que vous semblez découvrir. Vous en faites un descriptif tout à fait loyal sans en cacher l’horrible ni le bizarre, ni même la nature des membres qui appartiennent tous à l’oligarchie. « Ça paraît dingue », écrivez-vous, tout en prenant l’affaire avec une singulière hauteur, comme si tout ceci n’était que phantasme de conspirationnistes. Il en va souvent ainsi au fil des pages.

 

On déplorera d’autre part quelques oublis, comme la destruction des archives du cimetière d’Amiens antérieures à 1999. Vous n’en parlez pas, alors que vous étiez sur place avec Natacha quand le gardien vous a confirmé ce qu’il avait déjà dit à notre amie Carine, quelque temps plus tôt. La ville d’Amiens aurait-elle une ou plusieurs morts à cacher ? Cette destruction nous empêchera de le savoir.

Pas un mot non plus sur l’escapade algéroise de Brigitte qui voulait retrouver sa faculté où, disait-elle, elle avait étudié, alors que rien dans sa biographie ne parle de son cursus algérien, tandis qu’il a été prouvé que son frère Jean-Michel a séjourné dans cette capitale.

On regrettera encore la façon dont vous traitez les échanges de courrier entre Natacha et les services de la mairie d’Amiens au sujet de l’acte de naissance sans filiation de Jean-Michel Trogneux qu’elle leur a demandé. Si la mairie a donné suite, c’est pour affirmer qu’il n’était pas né à Amiens. « Cet acte ne se trouve pas en notre possession », lit-on dans leur réponse.« On vous invite à vous mettre en rapport avec la mairie de naissance de Jean-Michel Trogneux qui détient cet acte », y est-il ajouté. Seulement, une fois que l’affaire a éclaté, deux journalistes, qui ont entrepris la même démarche que Natacha, ont obtenu le document en question. Pour vous, il n’y a que les deux possibilités qui suivent : « Soit la mairie s’est trompée deux fois en ne les trouvant pas (sic) quand Natacha les a demandés, soit elle a d’abord choisi de ne pas divulguer le document, puis a changé d’attitude face à la médiatisation de l’affaire ». Dans un cas, comme dans l’autre, avouez que c’est lunaire. Une mairie qui ne trouve pas un acte de naissance qui existe bien ! Même dans les films, les scénaristes n’oseraient pas. Quant au refus de divulguer l’acte, c’est complétement illégal. Ça vous a forcément intriguée. Cependant, vous affichez une certaine désinvolture qui gêne et trouble à la fois le lecteur.

J’arrête ici. Tout le livre est un peu dans ce ton, ménageant la chèvre et le chou, comme si vous vouliez montrer votre hostilité à l’hypothèse du changement de genre, tout en dévoilant quelques zones d’ombre très embarrassantes pour le pouvoir, ce que vos confrères des médias conventionnels n’avaient encore jamais osé. Mais vous allez encore plus loin, et c’est tout à votre honneur.

Page 112, vous faites parler Jean-Louis Auzière qui appelle Brigitte, après que Natacha eut envoyé des messages à sa femme Catherine. La Première dame décroche directement. « Elle me dit qu’elle est désolée, vous aurait donc confié l’oncle du très fantomatique premier mari de Madame. Non seulement elle est désolée, mais elle avoue en plus que « tout ça est de sa faute, qu’on doit porter plainte, et qu’elle est OK pour une action conjointe. […] Avant de raccrocher, elle me promet qu’elle m’envoie une copie de son livret de famille, ce qu’elle a fait. Je lui avais aussi demandé de certifier par écrit que c’était bien elle sur la photo de mariage de 1974 avec André, ce qu’elle n’a pas fait ». Bravo, chère Emmanuelle, d’avoir offert cette narration, assez déstabilisante pour la crédibilité de votre héroïne qui oublie de certifier que c’est bien elle sur la photo de mariage.

Autre point, page 1999. Vous évoquez une photo d’un mariage dont Brigitte Trogneux fut témoin en 1976. Vous nous l’avez montrée, à Natacha et à moi. Il est vrai que cette photo nous a interpellés. Le personnage présenté comme Brigitte lui ressemble... en plus masculin. Et vous avez la loyauté de nous dire et d’écrire dans votre livre, que lorsque vous questionnez la mariée, amie intime, donc, de Brigitte, sur le mariage de cette dernière, supposé s’être déroulé deux ans plus tôt, elle tombe des nues. Elle ignore que son amie Brigitte Trogneux s’est mariée deux ans avant elle, qu’elle s’appelle maintenant Madame Auzière et qu’elle a un enfant, Sébastien. Drôles de témoins, convenez-en ! Que ce soit le vôtre, avec cette mariée de 1976 ; ou que ce soit le sien avec cette non-mariée de 1974, alors que le narratif officiel nous dit qu’elle l’était. C’est à y perdre son latin.

Enfin, voici le meilleur avec cet autre témoignage du même Jean-Louis Auzière, page 110. Je cite les mots que vous lui prêtez : « C’est un neveu, vous aurez donc dit l’octogénaire en parlant du supposé premier mari de Brigitte Macron. C’est un neveu, mais par un jeu de décalage de générations, ma mère m’ayant eu très tard, je suis de la même génération que lui. On est nés à un an d’intervalle, moi en 1942, lui en 1941. Et hasard du calendrier, on est nés à la même date, le 28 février, tous les deux, une coïncidence qui excite beaucoup, semble-t-il, cette dame complotiste ».

Je vous ai contacté, immédiatement après avoir lu ce passage[1]. L’acte et le certificat de décès d’André Auzière mentionnent qu’il est né, non pas en 1941, comme vous l’a dit son prétendu oncle, mais dix ans plus tard, en 1951[2]. Aussi quand Jean-Louis dit qu’ils n’ont qu’un an d’écart, il affabule. Or, l’essentiel de l’hypothèse de l’existence de ce plus en plus fantasmagorique André est principalement attestée par ce sacré tonton. Vous comprenez, j’imagine, l’étendue du problème. L’oncle qui se targue d’être de la même génération que son neveu, à un an près, n’a visiblement pas relu ses notes avant de vous recevoir. Cela détruit d’un coup toute la belle histoire et, partant, laisse planer un sérieux doute sur l’existence même d’André.

Voilà en quelques mots ce que je pense de votre livre, à la fois engagé et beaucoup plus honnête que tout ce qu’on avait lu jusque-là, sous la plume de vos tristes confrères. Quant à la complosphère, je crois que l’avenir lui appartient plus que jamais. Surtout si ses adversaires continuent de privilégier anathèmes et attaques ad hominem, au lieu de donner dans l’argumentation et le raisonnement.

En tout cas, encore bravo, chère Emmanuelle, pour cette Affaire Madame, le jour où la Première dame est devenue un homme. On imagine que c’est le Tome I. On attend le II : L’Affaire Monsieur, le jour où Jean-Michel est devenu une femme. Ne doutons pas qu’il arrive très vite, c’est un best-seller en perspective.

 

Bien à vous.

 

 

[1]Vous m’avez dit que vous alliez vérifier vos enregistrements pour vous assurer que ce sont bien les propos que vous a tenus Jean-Louis Auzière. Des obligations bien légitimes et que je comprends vous en ont empêché au moment où je rédige cette lettre. S’il s’avérait qu’une erreur a été commise dans votre retranscription,je rectifierais. Pour l’instant, je me contente des lignes de votre livre.

[2] Quant à Jean-Louis, jusque-là, on croyait qu’il était né, non pas en 1942, mais en 1943.

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